Emmanuel Madan et Thomas McIntosh travaillent ensemble depuis 1997. Sous le nom de [The User], le duo est à l'origine d'une série de trois séries d'œuvres marquantes.
Sous la direction de Daniel Canty, cinq contributeurs — Nicole Gringas, Géraldine Kirrihi Barlow, Tim Dallett, Virgie Pringuet et Jonathan Sterne — reviennent sur leurs travaux des décennies passées (1997-2008) dans une monographie. Des créations qui fusionnent leur domaine respectif : architecture pour Thomas McIntosh, composition musicale pour Emmanuel Madan. Leurs installations sonores mêlent détournement et accumulation d'objets dans l'espace public. Au fil du temps, Emmanuel Madan et Thomas McIntosh ont décliné successivement leurs dispositifs en plusieurs versions.
Leur amour commun pour l'informatique de la fin du siècle dernier (une photo du duo à ses débuts les montre posant au pied d'une tour, tenant chacun un clavier comme s'il s'agissait d'un instrument de musique) sera à l'origine de leur première installation qui aligne une batterie d'ordinateurs reliés à de vieilles imprimantes (Dot Matrix Printers). L'idée est de "transformer" cet équipement désuet en orchestre mécanique qui "exécute" une symphonie dont la partition repose sur quelques lignes de code. "Il est terrible le petit bruit" de l'aiguille sur le rouleau encreur… Les variations combinées des bruits de l'impression (moteur, courroies, encrage, caractères, déroulement du papier, etc.) produisent de fait une musique que l'on pourrait qualifier de "tertiaire"… Cette Symphonie pour imprimantes matricielles a d'abord été conçue comme une performance, avec les artistes en scène au milieu de leur dispositif, puis sans eux comme installation. Parfois proposée comme "quartet", la symphonie se décline en plusieurs versions selon les lieux, matériels et logiciels mis en œuvre. Il en existe aussi une trace sur plusieurs supports (mini-CD, vinyl) sur les labels Staalplaat et Asphodel.
Ensuite, avec Silophone, [The User] change d'échelle et investit pleinement l'espace public. En sonorisant (haut-parleurs, microphones, etc.) un ancien silo à grains du port de Montréal pour le transformer en caisse de résonnance aux allures d'orgue monumental, ils proposent également une œuvre interactive : il est possible d'écouter des sons, bruits et notes "à la demande", mais aussi (surtout) d'en déposer pour en "jouer" sur un site dédié, par téléphone ou, in situ, via une interface mise à disposition du public. De fait, réciproquement, pour [The User] cette installation peut i faire l'objet d'une performance "télématique", à distance, comme ce fut le cas au CICV à Belfort en 2000 dans le cadre du Festival Interférences par exemple. Emmanuel Madan et Thomas McIntosh ont aussi mis des artistes à contribution pour des compositions aussi éphémères que la durée de vie cette intervention (le temps de la réhabilitation du site). Francisco Lopez, Martin Tétreault, I8U, Carsten Nicolai et Aube ont notamment répondu à leur appel et expérimenté le silophone.
Enfin, avec Coincidence Engine, [The User] reprend à sa manière une pratique artistique éprouvée : l'accumulation d'objet. En l'occurrence, des petits réveils électriques bon marché, ceux dont le "tic-tac" empêche de dormir… Dans la version 1 de cette installation, les réveils sont disposés sur une structure en arc de cercle. Il y en a des centaines. De loin, on dirait les rainures d'un coquillage. Le visiteur peut se placer au centre du dispositif. Leur mécanisme agit comme des métronomes; référence revendiquée au Poème symphonique de Ligeti. Comme avec les imprimantes, le bruit combiné et dé-synchronisé des réveils produit une musicalité arithmétique. Dans la version 2 de Coincidence Engine, les réveils sont enchâssés dans une sorte de mur, reliés à un système informatique qui souligne les rythmiques déphasées par le clignotement de LEDs.
Laurent Diouf
[The User], Instruments 1997 - 2008 (édité par Daniel Canty & [The User], Künstlerhaus Bethanien, automne 2014)