La transparence du mal
Jeff Jarvis, journaliste-blogueur, prend lui aussi le contre-pied de certaines idées reçues par rapport au web. Et notamment par rapport à la dénonciation, récurrente, de la dimension panoptique du réseau; cette surveillance de tous par tous qui a atteint, volontairement et involontairement, un stade paroxysmique via les réseaux sociaux. On se souvient, par exemple, de l'analyse opérée par Anne Cauquelin sur le phénomène des blogs au travers de son ouvrage L'Exposition De Soi : du journal intime aux webcams. Elle y pointait notamment cette transparence obligée, si ce n'est oubliée, qui permet, au-delà de toute (fausse ?) pudeur et morale de se livrer au regard pixelisé de nos concitoyens.
C'est exactement ce que prône Jeff Jarvis, sur le mode du "n'ayez pas peur"… En effet, plutôt que de redouter les effets collatéraux d'une telle transparence que plus rien, n'y personne, ne peut désormais contrer tant les nouvelles technologiques sont envahissantes et, surtout, irréversibles, tant les systèmes de géolocalisation et l'obsession du temps réel nous enserrent dans les mailles de leurs filets sans qu'il soit possible de s'en défaire. En stoïcien 2.0, Jeff Jarvis prêche pour une acception réfléchie et codifiée de cette nouvelle donne, pour une stratégie de la transparence totale qui, du coup, nous rendrait peut-être invisibles…
Laurent Diouf
Digitalarti Mag #8, janvier-mars 2012
Jeff Jarvis, Tout nu sur le web : plaidoyer pour une transparence maîtrisée (Pearson, 2011)