Représentations du blackface
Ah le déhanchement "coïtal" de Michael Jackson (prononcez à la française en prenant une voix de petit garçon) et la réinterprétation du mime Marceau par MC Hammer… En fait, ces gesticulations que la morale réprouve s'enracinent (c'est le cas de dire) dans une longue tradition.
Cela remonte au tout début du XIXe siècle, sur le marché aux anguilles de Sainte-Catherine, à New York, si l'on en croit William T. Lhamon Jr; professeur émérite d'anglais à l'Université d'État de Floride. Il a mené une étude historique très documentée sur ce phénomène qui, comme les percus aux Antilles, fonctionnait au départ comme code culturel, social et politique pour les Blacks (à l'époque on dit "nègres"…) subissant la ségrégation de ce cher Oncle Sam…
Danse de survie économique, ce spectacle de rue finira par séduire les visages pâles qui iront jusqu'à se grimer en noir (blackface) pour se l'approprier puis la populariser (théâtre, films). Toujours la même histoire… Une histoire cruelle et métissée. Une histoire oubliée : cette gestuelle perdure "à l'insu du plein gré" des descendants d'esclaves, pour certains pathétiques, comme s'il y avait une mémoire inconsciente du corps…
Laurent Diouf
William T. Lhamon Jr., Raising Cain: représentations du blackface de Jim Crow à Michael Jackson (Kargo / L'Éclat, 2004)