Dans le monde imaginé par Johan Heliot, c'est comme à l'époque de la Guerre Froide : il y a Eux et… Nous. Sauf qu'il n'y a pas encore de Mur à Berlin. Et il n'est pas certain qu'il y en ait un un jour… Certes son récit, La lune n'est pas pour nous, s'achève en 1938, mais comme c'est le prolongement de La Lune seule le sait — un roman uchronique, tendance steampunk, qui lui a valu le prix Rosny-Aîné en 2001 — on peut craindre le pire. Jugez plutôt : malgré la victoire de Napoléon III sur les Allemands à Sedan en 1870 (!) et l'arrivée d'Extraterrestres durant l'Exposition Universelle de 1889 (pas glop) qui ont fourbi armes et technologies spatiales à la France, la Guerre Totale éclate. Trente ans plus tard, le fascisme règne sur toute l'Europe. Toute la Gaule est occupée ? Oui, et en plus le Führer a littéralement fait transporter tous les monuments à Berlin, ce qui fait que Paris ne ressemble plus à grand-chose; bien qu'il reste encore des objets à voler. C'est ce qu'essaiera de faire sans grand succès Léo Malet ! Précédemment, sous la Commune, on croisait Jules Verne… Cette fois-ci, il y a Jaurès, Albert Londres, Erich von Stroheim, Trotski… Johan Heliot a toujours eu un faible pour les personnages historiques qu'il intègre aux fictions les plus extrêmes (cf. Pandemonium avec Vidocq)… Et nous, alors ? Et bien la résistance s'organise sur la lune devenue, entre-temps, une nation autonome et libertaire ! Et, à défaut de Guerre des Étoiles, c'est une guerre du "soleil" qu'il va falloir mener pour terrasser la bête immonde et son bouclier électrique…
Laurent Diouf
MCD #19-20, juillet-août 2004
Johan Heliot, La lune n'est pas pour nous (Mnémos)