Konstantin Raudive

KONSTANTIN RAUDIVE
"The Voices Of The Dead"
(Sub Rosa)

Il faut mourir avec son temps ! Avant, au 19e siècle, lorsque l'on voulait parler avec l'au-delà on faisait tourner un guéridon ou l'on déplaçait des verres. Ô tempora, ô mores… Désormais, "la galaxie Gutenberg" communique à grand renfort de nouvelles technologies et nos chers disparus sont devenus, eux aussi, des communicants high-tech.

Leurs silhouettes fantomatiques apparaissent furtivement sur nos écrans cathodiques. Pire, ils font entendre d'étranges et terrifiants borborygmes sur des fréquences oubliées ou dans les interstices de bandes magnétiques… En anglais, on appelle "ça" des E.V.P. (Electronic Voice Phenomena). En français, les spécialistes traduisent cela par le terme de "transcommunication".

Hors des sphères du spiritisme, c'est Ash Int, la sous-division expérimentale de Touch Rec, qui a attiré notre attention sur ces “manifestations” vocales grâce au concours de Leif Elggren. Celui-ci avait condensé les travaux de Raymond Cass, un spécialiste en la matière, sur un CD énigmatique et plutôt brut de pomme intitulé “The Ghost Orchid, an introduction to E.V.P.”. Le label Sub Rosa, également connu pour ses nombreuses "exhumations" de documents rares, prend le relais en publiant cette anthologie consacrée à Konstantin Raudive : The Voices Of The Dead.

Ce philosophe, ancien élève de Jung, avait publié notamment un essai au titre explicite (L'inaudible devient audible) et engrangé des milliers d'heures de messages sibyllins en provenance d'un autre monde. Cette nomenclature sera perpétuée par son disciple, et par ailleurs musicien, Gerhard Stempnik.

Comme avec Raymond Cass, le CD s'ouvre et se referme sur un exposé des recherches de Konstantin Raudive qui nous explique et fait entendre le fruit de ses collectes. En l'occurrence, un malstrom sonore d'où s'échappent quelques mots presque incompréhensibles. Ce brouhaha étant répété trois fois selon la procédure en vigueur. Étant entendu, si l'on ose dire, que ces interférences spectrales ont fait l'objet de vérifications afin qu'il n'y ait pas de confusion possible avec un quelconque effet feedback…

Comme avec Raymond Cass (bis repetita), l'écoute de ces "témoignages" dégage un curieux sentiment… On y retrouve ce son parasité, brouillé, qui module le phrasé singulier de ces avertissements insolites. Mais la tonalité à une couleur, une hauteur, qui n'a rien à "voir" avec celle des échanges radio des pilotes, flics ou astronautes.

Ces matériaux étaient restés jusqu'alors "inexploités". Seul William S. Burroughs les avait "ré-interprètés" dans ses écrits. Et c'est là que se situe tout l'intérêt de cette l'initiative impulsée par Guy-Marc Hinant, le label-manager de Sub Rosa : confier ces archives à des artistes pratiquant l'art du collage, du détournement et autres bidouillages à forte teneur sémantique…

Je vous laisse imaginer ce que peuvent produire Robin Rimbaud aka Scanner, Random Inc, David Toop, Calla ou bien encore C.M. von Hausswolff, par exemple, à partir d'une telle base… Nappes, bleeps, infra-bass, bruitage et effets électroniques permettent de sublimer (là aussi, c'est une façon de parler…) les inserts. DJ Spooky se distingue par un morceau au titre surréaliste, mais pertinent : "Cadavre magnétique".

Konstantin Raudive a rejoint l'autre rive en 1974… Depuis, selon les initiés, il hante à son tour les ondes électroniques sous les traits d'une entité qui s'auto-désigne comme étant l'Archiviste ou le Technicien. Hallo, hallo, i should be with you

L@urent Diouf
2002

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