On n'ignore plus rien de l'histoire de la SF qui a été auscultée sous tous les angles, y compris philosophiques (cf. La métaphysique de Star Treck par Richard Hanley ou Fictions philosophiques et science-fiction du regretté Guy Lardreau), psycho-sociologiques (cf. Science-Fiction Et Psychanalyse : l’imaginaire social de la S.F. par M. Thaon, J. Goimard et G. Klein) et même psychotiques (cf. Stups & Fiction : drogue et toxicomanie dans la science-fiction de François Rouiller)…
Pourtant, chaque nouvel ouvrage de ce type renforce notre connaissance en rappelant les racines proto-historiques (les utopistes et certaines "fables" des Lumières), les précurseurs du XIXe arc-boutés sur le mythe du progrès technique (Jules Verne en tête) et enfin la constitution du genre au XXe siècle avec les différents courants que nous connaissons, de l'âge d'or au cyberpunk.
C'est le cas de l'étude co-signée par Raphaël Colson & André-François Ruaud, Science-Fiction : les frontières de la modernité. Un livre ambitieux qui se propose d'en repenser l'idée, pas moins ! Mais son intérêt principal réside dans la réactualisation de cette histoire à l'aune des dernières nouvelles du monde : ils reposent la sempiternelle question "qu'est-ce que la science-fiction?" à l'heure où les Indiens envoient une fusée sur la lune, où les mailles du réseau se resserrent, où les nano et bio-technologies commencent à rentrer en scène…
Pour Colson et Ruaud, ce troisième âge de la science-fiction (celle de notre jeune XXIe siècle) se distingue notamment par l'empreinte du Japon, le retour de parousies apocalyptiques (le survivalisme) et la thématique "post-cyber" qui n'en est malheureusement encore qu'à ses balbutiements. Matrix étant, à ce jour, le seul contre-exemple de SF prospective enfantée par notre civilisation numérique.
Laurent Diouf
MCD #50, janv.-fév. 2009
Raphaël Colson & André-François Ruaud, Science-Fiction : les frontières de la modernité (Mnémos, 2008)