Au sens strict, c'est un drôle de pamphlet que vient de commettre, à 83 ans bien sonnés, Kurt Vonnegut. Un homme sans patrie est un livre de souvenirs et d'impressions. Presque un testament. Connu du grand public pour Abattoir 5 adapté au cinéma par George Roy Hill en 1972 et des aficionados de la SF pour ses romans satiriques comme Le pianiste déchaîné et Le breakfast du champion, il porte aujourd'hui un regard franchement désabusé sur son pays, les États-Unis. Sardonique.
À un type qui lui écrit pour l'invectiver sur ses prises de position contre la guerre d'Irak et son inaction supposée, il répond: s'il vous plaît, pour notre salut à tous, achetez un fusil à pompe, calibre 12 de préférence, et dans votre quartier faites sauter la tête de tous les gens…
En préambule, il dispense quelques "conseils aux jeunes littérateurs" : n'employez pas de points-virgules. Ce sont des hermaphrodites travestis qui ne représentent rien. Tout ce qu'ils font, c'est de révéler que vous êtes allés à l'Université. Sarcastique, il poursuit : je me rends compte que certains d'entre vous ont peut-être du mal à décider si je plaisante ou non. Dorénavant, je vous dirais quand je suis en train de plaisanter. Par exemple, engagez-vous dans la Garde Nationale ou les Marines et prêchez la démocratie. Je plaisante. Nous allons être attaqués par Al Qaida. Agitez des drapeaux si vous en avez. Il semble que ça leur fasse peur. Je plaisante…
Laurent Diouf
MCD #33, mars-avril 2006
Kurt Vonnegut, Un homme sans patrie (Denoël & Ailleurs)