Les blogs, cette exposition de soi sur Internet, sont-ils les héritiers des journaux intimes ? Cette à cette question et à quelques autres que répond Anne Cauquelin dans son étude sur l'usage particulier des webcams. Cette philosophe se livre à une sorte de phénoménologie des sites perso en les replaçant dans la perspective de pratiques plus anciennes.
Si le questionnement sur la nature et les raisons profondes de ce type d'écriture demeure semblable — écrire pour être lu tout en ne voulant pas être publié ou le fameux paradoxe du "caché/montré —, en revanche, ces objets scripturaux et quasi privés sont passés, avec l'arrivée des nouvelles technologies, au statut d'objets iconiques et publics.
Et ce phénomène instaure un panoptikon à l'envers où le "redressé" est celui qui regarde et non celui qui est regardé… Il est vrai qu'à l'heure des reality-shows, la discrétion n'a plus de mise, elle est même ressentie comme une faute envers la transparence obligée…
Anne Cauquelin décrypte ce narcissisme généralisé, en reprenant la célèbre formule de Berkeley, esse est percipi (être, c'est être perçu). De quoi méditer sur cette "société du spectacle de soi" où de tristes pantins confondent l'être et le voir…
Laurent Diouf
Coda magazine, déc. 2003 / janv. 2004
Anne Cauquelin, L'Exposition De Soi : du journal intime aux webcams, (EsHel / coll. Fenêtres sur…)